René Descartes

Descartes

1596-1650

Biographie


Enfance


Descartes naît en 1596 à La Haye, une ville d’Indre-et-Loire, en région Centre. Celle-ci sera rebaptisée par la suite Descartes, en son hommage. Son père est conseiller au Parlement de Bretagne. Sa mère meurt près d’un an plus tard, des suites d’un accouchement. Elevé par son père, sa grand-mère et sa nourrice, il manifeste très tôt une vive curiosité intellectuelle. Ne cessant de poser des questions, il est surnommé « mon petit philosophe » par son père.
A onze ans, il est admis au Collège royal Henri-le-Grand situé à la Flèche, dans la Sarthe. Dans cet établissement administré par des Jésuites, l’une des plus grandes écoles d’Europe, il apprend les mathématiques, la physique, et la philosophie.
Il passe son baccalauréat puis se rend à Poitiers, où il s’inscrit à l’université de droit. Une fois sa licence en droit civil et canonique obtenue, à l’âge de vingt ans, il s’installe à Paris. Pendant deux ans il mène une vie solitaire, retirée des affaires du monde, pour se consacrer aux études.

L’armée et les voyages


Il s’engage dans l’armée du prince d’Orange, en Hollande. Pendant cette période, il rencontre le physicien Beeckman, avec lequel il entretient une correspondance. Durant ses loisirs, il consacre ses réflexions aux mathématiques et à la philosophie.
En 1619, il voyage au Danemark et en Allemagne, et s’engage dans une nouvelle armée, celle du duc Maximilien de Bavière, alors que la guerre de Trente ans éclate. C’est pendant cette même année, très riche en événements, qu’il a une sorte de révélation ; il fait un rêve, ou plutôt trois rêves successifs, lors desquels il conçoit les fondements d’une nouvelle science.
Il s’enferme dans une chambre bien chauffée (qu’il appelle son « poêle »). Selon la légende, il imagine son système de calcul cartésien (dont le principe est de décrire des figures géométriques en réduisant les coordonnées de celles-ci à des nombres arithmétiques) en observant, depuis son lit, les fissures de son plafond.
Il renonce à la vie militaire, mais continue ses voyages, en Allemagne, en Hollande puis en Italie, vivant grâce à l’héritage de sa mère.
Il rentre en France, pour une longue période : six ans, de 1622 à 1628. Cette période est décisive, puisqu’il va nouer de précieux contacts dans les milieux intellectuels. Ainsi par exemple, il rencontre le père Marin Marsenne, qui correspond avec toute l’Europe savante. Cela lui permet de faire connaître ses théories mathématiques, qui commencent à se diffuser.
A cette époque, une de ses rencontres s’avère déterminante : le cardinal de Bérulle lui fait obligation de conscience de se remettre à l’étude approfondie de la philosophie, et de rédiger ses propres oeuvres. Ce qu’il fait en se retirant en Bretagne, en 1627.
C’est à l’issue de cette retraite spirituelle qu’est publié son premier ouvrage majeur de philosophie, les Règles pour la direction de l’Esprit.

L’écriture aux Pays-Bas


Il se rend à nouveau à Amsterdam, cherchant, là encore, la solitude, en une sorte de retraite spirituelle qui l’amène à ne pas indiquer les lieux exacts où il se trouve, pour éviter d’être dérangé. Habitant près d’un abattoir, il peut se livrer à des dissections. Il s’inscrit également à l’université de Franeker. Cette période de réflexion, entièrement vouée à l’étude, s’avère prolifique, puisqu’il met au point le principe de la géométrie analytique, s’intéresse à l’optique et rédige les Dioptriques.
En voyant que Galilée était condamné par l’Eglise, il renonce à publier l’ouvrage qu’il vient d’achever, le Traité du Monde et de la lumière. Ce dernier est en effet fondé sur le principe même qui a valu à Galilée sa condamnation : l’héliocentrisme. Ayant lu, en 1634, l’ouvrage de Galilée, il décide d’orienter ses recherches dans une autre direction. Pendant les années qui suivent, il rédige ses deux ouvrages phares, le Discours de la Méthode (1637), puis les Méditations métaphysiques (1641).
En 1635, il a une fille, avec la servante d’un libraire d’Amsterdam. Mais cinq ans plus tard, en 1640, il perd à la fois sa fille et son père, à un mois d’intervalle, ce qui le plonge dans le « plus grand regret qu’il eût jamais senti de sa vie ».
Les Méditations métaphysiques commencent à avoir un certain retentissement dans les milieux intellectuels, et il doit répondre à la fois aux objections de Hobbes, et aux accusations lancées contre lui lors de la Querelle d’Utrecht.
En 1643, il fait la connaissance d’Elisabeth de Bohême, exilée en Hollande ; ils correspondent par lettre pour discuter, notamment, d’éthique. Il devient, en quelque sorte, son directeur de conscience. Cette rencontre stimulante le plonge dans une nouvelle période de créativité intellectuelle. Ainsi, il lui dédie son nouvel ouvrage, qui paraît en 1644, les Principes de philosophie. Quelques années plus tard, en 1649, il met la dernière touche à son dernier ouvrage majeur, le Traité des passions de l’âme.
Dans l’intervalle, il rencontre Pascal, lors de l’un de ses rares séjours en France. Il prétend lui avoir inspiré la célèbre expérience sur le vide, réalisée au Puy de Dôme.

La mort en Suède


En 1649, il devient le tuteur de la Reine Christine de Suède. Pour ce faire, il se rend à Stockholm. Après l’avoir délaissé pendant un mois, elle lui demande la rédaction de vers pour un ballet, un divertissement donné pour son anniversaire.
Enfin, une dernière demande, non moins étrange, lui parvient : elle souhaite des cours de philosophie quotidiens, mais à cinq heures du matin, l’heure où l’esprit est « le plus tranquille et le plus libre de la journée ».
Ce rythme inhabituel et le froid scandinave amènent Descartes à vouloir rentrer dès le printemps suivants sous des cieux plus cléments, mais ses forces déclinent. Il meurt d’une pneumonie le 11 février 1650. Son corps est rapatrié en France, et son crâne légué, bien des années plus tard (en 1931) au Musée de l’Homme de Paris (bien que des doutes subsistent sur son authenticité). Son cercueil est toujours conservé à l’église Saint-Germain-des-Prés, de Paris. Le projet de le transférer au Panthéon a été soulevé, mais n’a jamais abouti.

Philosophie


Les œuvres principales de René Descartes sont les suivantes : Règles pour la direction de l’esprit (1628) ; Discours de la méthode, préface à la Dioptrique, aux Météores et à la Géométrie (1637) ; Méditations sur la philosophie première, ou Méditations Métaphysiques (1641) ; les Principes de la philosophie (1644) ; Les Passions de l’âme (1649). A l’œuvre philosophique de Descartes s’ajoute également l’œuvre scientifique : Descartes créa la géométrie analytique et énonça, en optique, les lois de la réfraction.
Descartes a fondé le rationalisme moderne : il s’est appuyé sur les forces de la raison et sur l’évidence, de façon à atteindre le vrai de manière sûre, le but de la connaissance étant de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » (Discours de la méthode).

1. La méthode
Nous sommes d’abord redevables à Descartes d’une méthode fondée en raison. Comment, en effet, accéder à la vérité ? La question était, au XVIIème siècle, cruciale : si la science se développait (1613 : loi de la conservation du mouvement ; 1628 : découverte de la circulation du sang), la philosophie scolastique, alors dominante, ne pouvait satisfaire les esprits. Elle accordait trop d’importance au principe d’autorité et ne dégageait évidemment pas une méthode véritablement rationnelle. Descartes va opérer une révolution philosophique en partant du bon sens ou raison : la raison, faculté de distinguer le vrai du faux, est échue en partage à tous. C’est de ce « bon sens », la chose du monde la mieux partagée (que Descartes appelle parfois « lumière naturelle »), qu’il faut faire un usage judicieux, en mettant au point une méthode, c’est-à-dire un chemin, une route permettant d’atteindre la vérité. La méthode rationnelle sera, dans ces conditions, constituée par un ensemble de règles dont l’application conduit, avec certitude, au résultat. Pour découvrir la vérité, ne marchons pas au hasard, mais procédons de façon méthodique. Cette approche du vrai pourrait nous paraitre aller de soi ; mais, à l’époque de Descartes (n’oublions pas que la scolastique avait beaucoup insisté sur l’érudition), elle constitue un élément neuf, important, décisif : toute la méthode consistera à suivre un ordre, c’est-à-dire à ramener les propositions obscures aux plus simples et à nous élever ensuite, par degrés, du plus simple au plus complexe, en s’appuyant toujours sur l’intuition et la déduction. L’intuition, vue ou regard précis et indubitable, conception d’un esprit pur et attentif, connaissance directe ou immédiate, permet, en effet, de recevoir une chose pour vraie, de saisir une idée dans sa clarté et sa distinction, lesquelles représentent, pour Descartes, les véritables critères de la vérité. Est claire une idée — un contenu spirituel, tout objet de pensée en tant que pensé — présente et manifeste à un esprit attentif. Quant à l’idée distincte, elle apparaît comme celle qui est absolument précise et différente de toutes les autres. Ainsi, la démarche de Descartes repose sur l’évidence, à savoir le caractère de ce qui s’impose immédiatement à l’esprit et entraîne son assentiment.
A côté de l’intuition est nécessaire la déduction rationnelle, opération discursive supposant un cheminement, une démonstration, un enchainement logique, en bref tout ce qui implique une succession. L’intuition est d’un seul tenant, alors que la déduction représente un mouvement ordonné, allant de propositions en propositions, un lien établi entre des vérités intuitives.
La méthode reposant sur l’intuition rationnelle et la déduction ne serait rien sans le doute : le doute cartésien n’est pas sceptique, mais méthodique. Nécessaire pour balayer les fausses opinions et parvenir à l’évidence, il consiste à suspendre provisoirement tout ce qui n’est pas certain. A la différence des sceptiques, qui ne doutent que pour douter, Descartes doute pour parvenir au vrai et édifier une science certaine. Son doute est un instrument de travail. Il est volontaire et hyperbolique, c’est-à-dire dépassant la mesure et poussé à l’extrême. Descartes, considérant comme absolument faux ce qui n’est que douteux, fait ici l’hypothèse d’un malin génie, un dieu méchant ou mauvais qui pourrait nous tromper en permanence, hypothèse méthodologique destinée à universaliser le doute.

2. La métaphysique
a. Le cogito, Dieu, les idées innées
Au sein du doute, Descartes rencontre une première certitude, le cogito (en latin, « je pense »). Le cogito représente la conscience de soi du sujet pensant. Et, en effet, aussi universel que soit le doute, puisqu’il porte sur la totalité des connaissances, il y a quelque chose qu’il ne saurait atteindre, c’est sa propre condition : doutant, je pense et, pensant, je suis. Dans le Discours de la méthode, le cogito semble énoncé déductivement (cogito, ergo sum), mais cette proposition est, en réalité, le fruit d’une intuition directe : la première vérité qui se présente intuitivement à l’esprit lorsqu’il doute. Mais que suis-je, moi qui suis ? Je suis essentiellement pensée, cette dernière désignant tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes. Ainsi, l’activité de l’esprit et la conscience me caractérisent ; la conscience est l’essence de la pensée.
La seconde vérité découverte par Descartes est l’existence de Dieu. Descartes démontre cette existence de plusieurs manières. La preuve spécifiquement cartésienne est la preuve par l’idée de parfait ; parmi les idées qui sont en moi se trouve l’idée de Dieu, idée d’un être souverain tout puissant, éternel, infini : idée de perfection et d’infini. Or, comment cette idée de parfait pourrait-elle procéder d’un être imparfait ? Il me faut admettre I’existence d’un être contenant en soi autant de perfection que l’idée en représente, c’est-à-dire Dieu. Ainsi, Dieu existe. Il faut entendre par Dieu une substance souverainement parfaite, et dans laquelle nous ne concevons rien qui enferme quelque défaut, ou limitation de perfection. Cet être parfait ne saurait être que vérace : il me garantit que les idées que je conçois comme claires et distinctes sont vraies. La « véracité divine » découle de la nature même de Dieu, qui ne saurait m’induire en erreur, puisqu’il est parfait.
L’idée de Dieu — comme les idées mathématiques — fait partie des Idées innées, c’est-à-dire ne venant pas par l’entremise des sens et de l’expérience. Ce sont de vraies et immuables natures, constituant le trésor de mon esprit. Il existe, en effet, trois sortes d’idées (l’idée désignant tout ce qui est en notre esprit lorsque nous concevons chose) : celles qui sont nées avec moi (innées) ; celles qui viennent du dehors (ce sont les idées adventices ou sensibles, comme l’idée d’une chose extérieure, de la terre, du ciel, etc.) ; et, enfin, celles qui sont faites et inventées par moi (ce sont les idées factices, telle l’idée de chimère).

b. Le dynamisme spirituel et la liberté humaine
En sa quête métaphysique, Descartes approfondit l’essence du dynamisme spirituel de l’homme : il souligne la supériorité de l’entendement, faculté par laquelle nous apercevons les idées, sur l’imagination, puissance de se représenter les choses de manière sensible. Celle-ci n’est pas nécessaire à l’essence de mon esprit et demande un effort particulier, alors que le travail de l’entendement est beaucoup plus simple. Par exemple, imaginer un polygone à mille côtés est extrêmement difficile, à la différence de le concevoir. « J’ai besoin d’une particulière contention d’esprit pour imaginer, de laquelle je ne me sers point pour concevoir. » (Méditations métaphysiques, Méditation 6). L’entendement fait partie de l’essence de mon esprit, à la différence de l’imagination.
Cette explicitation du dynamisme spirituel de l’homme est inséparable d’une méditation sur la liberté. Descartes considère la liberté d’indifférence — état dans lequel la volonté se trouve lorsqu’elle n’est point portée, par la connaissance de ce qui est vrai ou bien, à suivre un parti plutôt que l’autre — comme le plus bas degré de la liberté. La vraie liberté exclut l’indifférence et elle se caractérise par l’absence de contrainte extérieure. Elle désigne un choix éclairé par la connaissance du vrai. C’est cette liberté humaine infinie qui permet de comprendre le mécanisme de l’erreur, laquelle naît de la disproportion entre ma volonté infinie — pouvoir d’affirmer ou de nier, sans aucune limite — et mon entendement nécessairement fini et limité. L’erreur se produit quand ma volonté (infinie) acquiesce à une idée (confuse) de l’entendement.

3. La science cartésienne
Il faut dire aussi un mot de la science cartésienne. N’oublions d’ailleurs pas qu’aux yeux de Descartes (et de son époque), la philosophie englobe la science et l’étude de toute la nature. Dans une définition célèbre, Descartes affirme, en effet, que la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique et dont le tronc est la physique. Les branches qui sortent du tronc représentent toutes les autres sciences. La physique, la science de la nature (en grec, phusis), est mécaniste : tous les objets de la nature relèvent des lois de l’étendue et du mouvement, la matière se ramenant, aux yeux de Descartes, à de l’étendue géométrique et non point à un ensemble de qualités sensibles (elle n’est pas, dans son essence, chose dure, pesante, colorée, etc.). La matière désigne une substance étendue en longueur, largeur et profondeur. C’est désormais l’espace géométrique et mathématique qui apparaît comme constitutif de la matière. Alors que les scolastiques faisaient appel à un jeu de forces occultes, Descartes voit dans les qualités sensibles des expressions de l’étendue (qualité première). Le corps vivant, lui aussi, relève d’une explication mécaniste : c’est une machine que nous devons comprendre selon un modèle mécanique. Quant à l’animal, il n’est rien d’autre qu’un pur mécanisme corporel, dépourvu de sensibilité, de pensée et de langage, un automate agencé par Dieu. Nous avons affaire ici à la thèse de l’animal-machine, expression qui désigne l’animal et le corps animal, en tant qu’ils sont conçus comme des machines, de simples mécanismes matériels, des automates produits par la nature.

4. Morale et sagesse
Si la philosophie englobe la science, elle désigne aussi l’étude de la sagesse, laquelle, dans le contexte cartésien, représente une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir. Mais cet idéal, difficile à atteindre et à réaliser, inséparable d’une tâche intellectuelle ardue, laisse le champ ouvert à ce que Descartes appelle une morale par provision, plus aisée à construire que la morale définitive. Il s’agit d’un ensemble de règles de vie provisoires, destinées à organiser l’existence, en attendant la morale reposant sur la raison. Une morale par provision désigne quelque chose d’immédiatement utilisable. Cette morale est d’inspiration stoïcienne : il s’agit de changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde, de tâcher de se vaincre plutôt que la fortune.
Si Descartes n’a pas édifié sa morale définitive, il nous a néanmoins, dans Les Passions de l’âme, donné des indications très importantes pour la compréhension des mécanismes passionnels, compréhension pouvant conduire à une pleine maîtrise des passions (Spinoza, dans l’Éthique, prolongera puissamment ces analyses). Qu’est donc une passion, dans la terminologie cartésienne ? Un phénomène causé dans l’âme par l’action du corps et résultant de cette action ; les passions représentent, pour Descartes, tous les phénomènes affectifs : l’amour, la haine, l’ambition, le désir, les émotions, etc. Descartes étudie aussi la physiologie des passions, représentations liées aux mouvements des esprits animaux, éléments subtils circulant dans tout l’organisme et assurant une fonction d’intermédiaires entre l’âme et le corps.

Ainsi, par sa méthode, par son approche scientifique, par son mécanisme, mais aussi par sa psychophysiologie des passions, Descartes a fondé la modernité : il est le héros de la réflexion moderne.

L’auteur et son oeuvre


Descartes et le Discours de la Méthode


Ce texte retrace l’histoire d’une pensée qui a bouleversé l’Histoire de la Pensée. Après avoir fait ses études en France, et voyagé quelques années en Europe, René Descartes a choisi de se fixer en Hollande pour la liberté qu’on y trouve. Mais Galilée ayant été condamné par Rome pour avoir soutenu l’hypothèse héliocentrique, Descartes hésite à faire imprimer ses propres travaux de physique. Il finit par en publier des extraits, accompagnés d’une préface, le Discours de la méthode. « Si j’écris en français, explique-t-il, qui est la langue de mon pays, plutôt qu’en latin, qui est celle de mes précepteurs, c’est à cause que j’espère que ceux qui ne se servent que de leur raison naturelle toute pure jugeront mieux de mes opinions que ceux qui ne croient qu’aux livres anciens. »
La raison est universelle en un premier sens : tous les hommes en sont naturellement pourvus. À preuve, la capacité humaine de parler que Descartes analyse dans la partie du Discours : « C’est une chose bien remarquable qu’il n’y a point d’hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter même les insensés, qu’ils ne soient capables d’arranger ensemble diverses paroles, et d’en composer un discours par lequel ils fassent entendre leurs pensées. » La raison, qu’on l’appelle « jugement », « pensée », ou « bon sens », est « la chose du monde la mieux partagée » parmi les hommes. Les différences qu’on observe entre eux ne tiennent qu’à la façon de s’en servir.
Mais la raison est universelle en un second sens. Avec elle, l’homme possède « un instrument universel qui peut servir en toutes sortes de rencontres ». C’est ce que Descartes veut faire apparaître en publiant, avec le Discours de la méthode, trois essais où on voit la raison appliquée à divers sujets scientifiques. Dans le Discours, une place sera faite d’une part aux questions de morale — car il faut bien vivre tandis qu’on a mis en chantier la refondation de la connaissance — et d’autre part aux questions de métaphysique, puisqu’on ne peut redéfinir l’image du monde sans en mettre au jour les fondements ultimes.
Enfin, on y trouvera fixée pour plusieurs siècles la nouvelle attitude de l’homme face à la nature. Descartes affirme en effet que son but est « de parvenir à des connaissances fort utiles à la vie et qu’au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. »

Oeuvres


– Compendium musicae (Abrégé de la musique) – 1618
– Règles pour la direction de l’esprit – 1628 inachevé
– Traité du Monde et de la lumière – 1633 (publié 1664)
– Traité de L’Homme – 1633 (publié 1664)
– Traité de la Mécanique – 1637
– Discours de la méthode – 1637
– La Géométrie – 1637
– La Dioptrique – 1637
– Les Météores – 1637
– Méditations métaphysiques – 1641
– Principes de la philosophie – 1644
– Lettre à Chanut – 6 juin 1647
– Passions de l’âme – 1649
– Recherche de la vérité par les lumières naturelles – Posthume
– Correspondance avec Élisabeth
– Lettres à Mersenne

Citations


« Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée : car chacun pense en être bien pourvu. » — Discours de la Méthode
« Les passions sont toutes bonnes de leur nature et nous n’avons rien à éviter que leurs mauvais usages ou leurs excès. » — Les passions de l’âme
« Lorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays. » — Discours de la Méthode
« On connaîtra bien qu’il est malaisé, en ne travaillant que sur les ouvrages d’autrui, de faire des choses fort accomplies. » — Discours de la Méthode
« Passion est passivité de l’âme et activité du corps. » —
« C’est aussi le même de converser avec ceux des autres siècles que de voyager. » — Discours de la Méthode
« Les hommes que les passions peuvent le plus émouvoir sont capables de goûter le plus de douceur en cette vie. » — Les passions de l’âme
« Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. » —
« L’homme est une chose imparfaite qui tend sans cesse à quelque chose de meilleur et de plus grand qu’elle-même. » —
« Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus. » — Discours de la Méthode
« C’est proprement ne valoir rien que de n’être utile à personne. » —
« Si l’homme est libre, c’est Dieu qui ne l’est pas. » —
« La parole a beaucoup plus de force pour persuader que l’écriture. » — Lettre à Chanut
« Souvent une fausse joie vaut mieux qu’une tristesse dont la cause est vraie. » —
« La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés. » — Discours de la Méthode
« Si la partie est fort inégale, il vaut mieux faire une honnête retraite ou prendre quartier que s’exposer brutalement à une mort certaine. » — Les passions de l’âme
« Mais la volonté est tellement libre de sa nature, qu’elle ne peut jamais être contrainte. » — Les passions de l’âme
« Je suis comme un milieu entre Dieu et le néant. » — Méditations Métaphysiques
« Je prends beaucoup plus de plaisir à m’instruire moi-même que non pas à mettre par écrit le peu que je sais. » —
« Je pense, donc je suis. » — Discours de la Méthode
« La volonté est tellement libre de sa nature, qu’elle ne peut jamais être contrainte. » — Les passions de l’âme
« C’est proprement avoir les yeux fermés sans tâcher jamais de les ouvrir que de vivre sans philosopher. » — Principes de la philosophie
« Il n’y a personne qui ne désire se rendre heureux ; mais plusieurs n’en savent pas le moyen. » — Lettre à Elisabeth I
« Toute science est une connaissance certaine et évidente. » — Règles pour la direction de l’esprit
« Pour examiner la vérité, il est besoin, une fois dans sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu’il se peut. » — Règles pour la direction de l’esprit
« L’erreur, c’est seulement un défaut. » — Méditations métaphysiques
« Il n’y a aucun vice qui nuise tant à la félicité des hommes que celui de l’envie. » — Les passions de l’âme
« Ce qui est ordinairement le plus envié, c’est la gloire. » — Les passions de l’âme
« Ce qu’on nomme communément envie est un vice qui consiste en une perversité de nature qui fait que certaines gens se fâchent du bien qu’ils voient arriver aux autres hommes. » — Les passions de l’âme
« J’appelle absolu tout ce qui contient en soi la nature pure et simple que l’on cherche. » — Règles pour la direction de l’esprit
« La puissance de bien juger, de distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens, ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes. » — Discours de la Méthode
« On ne peut se passer d’une méthode pour se mettre en quête de la vérité des choses. » — Discours de la Méthode
« La pluralité des voix n’est pas une preuve, pour les vérités malaisées à découvrir, tant il est bien plus vraisemblable qu’un homme seul les ait rencontré que tout un peuple. » — Discours de la Méthode
« Ainsi les plus généreux ont coutume d’être les plus humbles. » —
« La raison est la seule chose qui nous rend hommes. » — Discours de la Méthode
« Ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s’occuper d’aucun objet dont ils ne puissent avoir une certitude égale à celle des démonstrations de l’arithmétique et de la géométrie. » —
« Remarquant que cette vérité, je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. » — Discours de la Méthode
« Je ne suis pas si sauvage que je ne sois bien aise, si on pense à moi, qu’on en ait bonne opinion; mais j’aimerais mieux qu’on n’y pensât point du tout. » — Lettre à Mersenne
« Toute la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales : à savoir la médecine, la mécanique et la morale ; j’entends la plus haute et la plus parfaite morale, qui présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse. » — Principes de la Philosophie (lettre-préface)
« Les souverains ont le droit de changer quelque chose aux mœurs. » — Discours de la Méthode
« Les secondes pensées ont coutume d’être plus nettes que les premières. » — Lettre à Chanut
« Le remords de conscience est une tristesse causée par le doute que nous avons sur la bonté de notre action. » — Les passions de l’âme
« L’amour est une émotion de l’âme causée par le mouvement des esprits, qui l’incite à se joindre de volonté aux objets qui paraissent lui être convenables. Et la haine est une émotion causée par les esprits, qui incite l’âme à vouloir être séparée des objets qui se présentent à elle comme nuisibles. » —
« Et quelquefois la durée du bien cause l’ennui ou le dégoût, au lieu que celle du mal diminue la tristesse. Enfin, du bien passé vient le regret, qui est une espèce de tristesse, et du mal passé vient l’allégresse, qui est une espèce de joie. » — Les passions de l’âme
« Tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde. » — Discours de la Méthode
« La technique nous rend comme maîtres et possesseurs de la nature. » — Discours de la Méthode
« La Théologie enseigne à gagner le Ciel ; La Philosophie donne moyen de parler vraisemblablement de toutes choses, et de se faire admirer des moyens savants. » — Discours de la Méthode
« L’estime et le mépris sont des espèces d’admiration. » — Les passions de l’âme
« La vénération est un mélange d’admiration et de crainte. » — Les passions de l’âme
« Le dédain se compose d’admiration et de hardiesse. » — Les passions de l’âme